Wir verwenden Cookies und Analysesoftware, um unsere Website möglichst benutzerfreundlich zu gestalten. Wenn Sie fortfahren, stimmen Sie der Verwendung dieser Services zu.

Logo weiss FR

 

Témoignage d'Aline

Ma difficulté maternelle, qui aura pris la forme d’une dépression du post-partum, a duré 9 mois.

Première grossesse, enfant très désiré, déroulement de la grossesse tout à fait harmonieux, accouchement physiologique en salle de naissance d’une maternité. Les premiers instants ont été merveilleux, deux heures de peau à peau avec mon fils et un coup de foudre immédiat pour ce petit être qui venait de nous rejoindre.

Durant le séjour à la maternité, déjà une très grande angoisse de son bien-être, de bien faire, d’allaiter, d’avoir suffisamment de lait. Une très haute sensibilité à ses pleurs que je ne supportais pas du tout et une idée fixe : “une bonne maman = un bébé qui ne pleure pas”. J’ai donc tenté de tout contrôler, de tout anticiper pour éviter les pleurs.

J’étais très angoissée de ses pleurs, de ses besoins, de cette immense dépendance et j’ai d’abord connu une période de suractivation que je nommerais aujourd’hui, ayant découvert le bon terme, une hypervigilance (symptôme très fréquemment présent avant l’effondrement psychique). Je faisais tout, ménage, soins de mon fils, allaitement, repassage, cuisine, promenades : je me sentais invincible.

J’étais très heureuse mais en même temps angoissée, ce qui par ailleurs n’était pas dans mon tempérament avant, ni durant ma grossesse. En y repensant, tout était angoissant, les pleurs, les trajets en voiture, l’allaitement, le rythme des journées... Une très haute exigence constamment. Je sais maintenant que des projections de mon vécu d’enfant et mes angoisses d’abandon se sont alors réactivées. Je voulais avoir mon fils toujours près de moi, j’étais très fusionnelle avec lui et je souhaitais pour lui un développement le plus harmonieux possible, sans souffrance aucune, avec une réponse immédiate à tous ses besoins. Cela entretenait cette hypervigilance et je ne me reposais que très peu. Au moindre signe, mouvement, je pensais qu’il fallait que je réponde à sa demande, sans quoi il pourrait manquer de réconfort et que cela engendrerait un mal-être pour lui. Sa vulnérabilité de nourrisson et cette période d’extrême dépendance me donnait une vision de lui fragile et vulnérable. Je sais aujourd’hui que c’est moi qui étais dans une grande fragilité et vulnérabilité.

Une nuit d’août (5 mois après sa naissance), je me suis sentie complétement dépassée pas la situation et épuisée de toute cette intensité et de toute cette exigence.

Quelque temps plus tard , la veille d’un départ avec mon mari pour nos premières vacances en famille, je m’effondre. Je me souviens être seule à la maison avec mon fils, devant préparer les valises. Subitement, je me suis retrouvée incapable de réfléchir, comme désorganisée dans mes pensées et toujours de plus en plus angoissée. Comme un plomb qui saute , j’ai senti en moi l’effondrement psychique.

J’ai contacté une médecin en disant que je me sentais de plus en plus mal et surtout de plus en plus angoissée. Au vu des symptômes présents et d’un vécu antérieur de dépression dans un autre contexte, la médecin me prescrit un anti-dépresseur et des anxiolytiques. Je la reverrai à mon retour.

Durant cette semaine à l’étranger, les angoisses atteignent leur paroxysme. Je suis pétrifiée par moments, me sens envahie par la présence de mon fils, je n’arrive plus à rester seule avec lui et j’ai du mal à l’avoir contre moi. Tout m’envahit et la proximité physique deviant oppressante. J’arrête l’allaitement, impossible pour moi de le poursuivre dans cet état.

Je sombre dans une détresse de plus en plus profonde. Je ne mange plus et me sens extrêmement mal. Je commence à avoir des idées noires toujours avec une boule oppressante sur ma poitrine et ce en permanence malgré les anxiolytiques. Contrairement à l’idée que l’on a de la dépression, je ne pleurais pas ou très peu. J’étais surtout, très angoissée, je me réfugiais dans le sommeil, la nuit était mon refuge, enfin là ma tête s’arrêtait. Nous anticipons notre retour puisque mon état se dégrade de plus en plus. Un cauchemar éveillé. S’en est suivie une longue période de détresse, de solitude,d’envie de mourir et puis de recherche d’aide, de consultation en consultation, mon mari de plus en plus inquiet de mon état. En relisant des écrits de cette période, je ressentais beaucoup de culpabilité, de solitude et le sentiment de dévalorisation était très present, mais je ne m’en rendais pas compte. Je me sentais monstrueuse de ne pas être heureuse de cette vie dont j’avais tellement rêvé.

Mon mari a été d’un très grand soutien, il a dû s’absenter de son travail pour s’occuper de notre fils et rester à mes côtés, car ni lui ni mon entourage ne voulaient plus me laisser seule au vu des idées suicidaires qui me traversaient. J’ai ̈frôlé ̈ l’hospitalisation en psychiatrie qui a pu être évitée grâce à ma famille qui s’est relayée auprès de moi pendant plusieurs semaines. Je m’occupais de mon fils, mais toujours avec beaucoup d’angoisses. Au plus profond de mon mal-être, “je ne pouvais pas ne pas répondre à son appel” (voilà ce que j’écrivais dans un journal à ce moment-là.).

Je dormais beaucoup, restais couchée. Etais terrorisée lorsque j’entendais ses pleurs le matin et à l’idée qu’une nouvelle journée commençait. Je me demandais chaque jour comment tenir une journée de plus. Mon discours tournait en boucle, je me sentais seule et incomprise. Tous me parlaient de dépression du post-partum mais je n’entendais pas, pour moi il ne s’agissait pas de cela: je pensais simplement être devenue lucide quand à mon incapacité à vouloir vivre cette vie de maman.

J’ai perdu tout affect pour les miens. Je ne ressentais plus d’amour pour mon bébé ni pour mon mari. Ces deux personnes ayant été pour moi les plus importantes et ne ressentant plus rien pour eux, je me demandais comment vivre une vie sans émotions et sans amour. Je pensais que la situation était horrible et que je ne souhaitais rien d’autre dans ma vie que d’être maman, mais que je ne pouvais pas vivre cette vie et qu’il fallait donc mourir. Mon discours tournait en boucle, je m’en souviens, mais je me souviens surtout de me sentir enfermée, coincée dans une situation inextricable dans laquelle personne ne pouvait me venir en aide.

J’ai perdu 20 kg, ne mangeais plus rien, transpirais l’angoisse. De ma vie je ne m’étais jamais sentie si mal, un réel enfer.

Ma difficulté maternelle, vécue au travers d’une dépression mélancolique (selon la psychiatre qui m’a ensuite suivie) aura duré 9 mois, comme si devenir maman avait nécessité pour moi 9 mois supplémentaires.

Les différents traitements médicamenteux, le soutien de ma famille, le suivi rapporché et bienveillant d’une psychologue et la consultation d’un praticien énergéticien auront permis de venir à bout de cette dépression et de me sortir peu à peu de l’ombre. Les angoisses se sont finalement atténuées grâce à la médication, j’ai pu reprendre une alimentation petit à petit et retrouver peu à peu une nouvelle relation avec mon bébé. J’ai pu retrouver des moments de complicité, du plaisir à m’en occuper, découvrir qu’un lien serein était possible. Il était aussi plus grand après ces 9 mois en enfer et il me semblait moins vulnérable, un peu moins dépendant de moi également.

Je sais aujourd’hui que j’ai approché une sorte de folie, d’absenced’émotions sans doute face à trop d’émotions, trop d’envahissement de mon être. Travaillant dans le domaine de la santé, j’avais connaissance de l’existence de la dépression du post-partum, mais je n’ai pas su en reconnaître les signes. J’ai longtemps cru que j’étais un cas à part ̈, car ma situation ne ressemblait pas à celle décrite dans la majoritié des cas de dépression du post-partum. En effet, à l’inverse de la plupart des situations, ma dépression n’a pas commencé au début du post-partum, mais bien plus tard. De plus,je n’ai pas eu de difficulté d’attachement au départ dans relation, je n’ai pas non plus eu de traumatismes liés à l’accouchement qui s’est très bien déroulé, et finalement même avec beaucoup de difficulté je me suis toujours occupée de mon fils. Pourtant, c’est bien de cela dont il s’agissait.

Pour moi, la difficulté maternelle et ses manifestations consiste en une difficulté à se sentir mère de manière sereine et apaisée, à se réaliser en tant que maman tout en étant capable ou non de s’occuper de son enfant.

La difficulté maternelle est une difficulté relationnelle, émotionnelle d’origine multifactorielle, souvent liée à un haut désir de perfection et à une chute de l’idéal à la réalité de ce qu’est la relation mère-bébé. Nous sous-estimons à quel point la maternité vient réveiller des enjeux inconscients de notre propre enfance et à quel point c’est une période de grande vulnérablité. Il ne faut pas rester seule et oser en parler. A chaque fois que j’évoque ce moment douloureux de ma vie, les langues se délient et il y a toujours une femme, une amie, une soeur, une cousine qui a vécu une dépression.

Aujourd’hui, je suis la maman épanouie de deux enfants, mon deuxième post-partum s’est très bien déroulé et cette expérience m’aura finalement permis de me rapprocher de moi-même et de me connaître encore un peu plus.