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Interview avec Dr. Nathalie Nanzer

Interview avec Dr. Nathalie Nanzer

Dr. Nathalie Nanzer est médecin adjointe, responsable d’unité de guidance infantile aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Elle a écrit le livre "La dépression postnatale. Sortir du silence" et est spécialisé et expérimenté dans le traitement de la dépression postpartale. (Image: experts-hug.ch)

Madame Nanzer, quelle est la différence entre le baby-blues que 80 % des nouvelles mères rencontrent et une dépression postpartale?

La dépression est une maladie, alors que le baby blues est une condition quasi- physiologique, en grande partie due à la brusque chute hormonale après l’accouchement. Il aparait dans les 2 à 4 jours après l’accouchement, se caractérise par une humeur très labile, des accès de pleurs ou d’euphorie, une importante sensibilité. Les manifestations peuvent être fortes, mais ne durent jamais plus de quelques jours.
La dépression périnatale peut débuter n’importe quand pendant la grossesse ou la première année après l’accouchement et dure plusieurs semaines, mois ou années.

Quelle est la différence entre une dépression et une dépression postpartale?

La dépression est dite prénatale lorsqu’elle survient durant la grossesse, postpartale lorsqu’elle survient dans les mois qui suivent la naissance de l’enfant. Actuellement on parle plus globalement de dépression périnatale. La dépression périnatale peut se manifester de manière assez semblable à la dépression non liée à la naissance d’un enfant. Mais elle comporte des éléments spécifiques en lien avec la parentalité. Ces femmes (et hommes !) se sentent très coupables de ne pas rayonner de bonheur, ils ont l’impression d’être de mauvais parents, et n’attribuent généralement pas leurs symptômes à une dépression et en ont d’autant plus honte. Une spécificité de ces dépressions est leur impact sur le lien parent-enfant et sur la confiance que le parent développe (ou ne développe pas) en lui-même.

Selon vous, quelles sont les causes et les facteurs de risque qui peuvent déclencher une dépression postpartale?

Plusieurs facteurs de risques ont été mis en évidence au cours de recherches épidémiologiques. Les principaux sont les suivants :

• Antécédents personnels de dépression, de trouble anxieux, d’addiction
• Anxiété ou dépression durant la grossesse
• Mère adolescente
• Manque de support social et émotionnel
• Insatisfaction dans le couple ou absence de partenaire
• Relations précoces compliquées avec ses propres parents
• Stress dans l’année écoulée, en particulier décès d’un parent, migration, pauvreté, chômage, etc.

Quelles offres sont proposées à l’unité de guidance infantile aux HUG quand une mère vit une crise après une naissance?

Plusieurs unités du Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et du Service de psychiatrie adulte des HUG proposent des évaluations et des suivis pour les parents et leur enfant en difficultés autour d’une naissance. Certains soins se centrent plus sur l’enfant, d’autres sur les parents, ou sur le lien parent-enfant. L’unité de Guidance infantile travaille spécifiquement sur le lien parent-enfant qui peut être en difficulté déjà avant la naissance de l’enfant, lorsque les représentations que les parents se font de ce lien est biaisé ou anxiogène. Une fois l’enfant né, le lien est discuté et ressenti en séance, en présence du bébé qui apporte ses propres ressources et fragilités. Le développement du bébé peut aussi y être évalué.

Est-il possible d’hospitaliser une maman avec son nouveau-né ou jeune enfant aux HUG?

Oui. Lorsque la maman a besoin d’être hospitalisée, les HUG disposent d’une unité de psychiatrie adulte, qui se trouve au sein de l’hôpital somatique. Elle peut accueillir jusqu’à trois mamans avec leur bébé, à partir du moment où la maman se sent suffisamment bien pour pouvoir être avec lui. Aux soins à la maman, s’ajoutent ainsi les soins au lien mère-bébé qui sont dispensés par l’équipe de l’unité avec le soutien d’un pédopsychiatre de liaison.

8 à 10 % des pères souffrent d’une dépression postpartale. Avez-vous des offres spécifiques pour des ces hommes?

La dépression périnatale touche presque autant les pères que les mères, mais malheureusement très peu de ces dépressions sont détectées et encore moins sont demandeurs de soins. Par conséquence, les soins spécifiques sont rares. Plusieurs centres périnataux de Genève et l’Arcade Sage-Femmes proposent des groupes de paroles pour les pères. La maternité des HUG a aussi récemment commencé des groupes menés par un sage-femme homme. Concernant les soins de la dépression en soi, les hommes peuvent bénéficier des mêmes soins psychothérapeutiques ou médicamenteux que les femmes. En pédopsychiatrie, les pères sont de plus en plus présents lors des consultations et le travail psychique sur la parentalité est effectué aussi bien avec la maman qu’avec le papa.

Quelles sont vos conseils pour de jeunes parents souffrant de symptômes d’une dépression postpartale pour sortir de cette maladie?

Mon premier conseil serait de ne pas rester seul(e) avec ses doutes et son mal-être, d’’oser en parler autour de soi et à un professionnel de confiance. Il s’agit d’une maladie fréquente dont il n’y a aucune raison d’avoir honte et qui se soigne le plus souvent très bien, d’autant plus si elle est prise en charge rapidement. 2 entretiens périnataux sont actuellement offerts par la Maternité des HUG (un pendant la grossesse et un deuxième après l’accouchement). Effectués par une sage-femme spécifiquement formée à ce type d’entretien, les parents sont invités à parler de toutes leurs questions et leurs peurs concernant leur parentalité. En cas de dépression ou d’autre fragilité, la sage-femme peut les orienter dans le réseau de soin genevois. Les sages-femmes indépendantes et le planning familial sont généralement aussi très sensibles à cette problématique et à l’écoute des parents.

Quels sont vos souhaits en tant que professionnel de la santé pour pouvoir aider plus rapidement et efficacement les pères et mères en crise?

J’aimerais que la société porte autant d’attention à la santé psychique des familles qu’à leur santé somatique, et sans tabou. Les grossesses sont extrêmement bien suivies en Suisse, de nombreux examens sont proposés de routine pour la mère et pour l’enfant, mais très peu de prévention et de dépistage sont effectués concernant la santé psychique et la relation parent-enfant. Mon souhait serait donc qu’un dépistage systématique de la dépression périnatale soit proposé pendant la grossesse et durant les 6 premiers mois du postpartum. Je vois trop de familles arriver avec une demande pédopsychiatrique alors que l’enfant a 4 ou 5 ans. Beaucoup de souffrances auraient pu être évitées s’ils avaient pu être aidés dès le début et souvent déjà pendant la grossesse.

Selon vous, qu’est-ce qu’il faut encore en Romandie pour pouvoir mieux soutenir les patients?

• Continuer à faire connaitre cette pathologie aux familles et aux professionnels de la santé dans le but de la destigmatiser et de favoriser l’accès aux soins.
• Un axe important à développer concerne le soutien psycho-social aux familles en difficulté financière et sociale. Les familles migrantes sont à très haut risque.
• Sur le plan politique, la périnatalité et la petite enfance sont souvent très peu défendus, contrairement à d’autres populations fragiles qui font plus parler d’elles. C’est pourtant en agissant très précocement qu’on obtient les meilleurs résultats en santé psychique.
• Enfin, les aspects transverses et pluridisciplinaires des soins en périnatalité sont des domaines en cours d’évolution qui doivent encore être fortement développés. Les équipes doivent travailler ensemble : autour de la mère, du père, de l’enfant, de la fratrie ; dans les domaines somatiques, psychiques et sociaux ; et avec une continuité entre le prénatal, le postnatal, l’hôpital et la maison.

>> Contact Dr. Nathalie Nanzer
>> Livre "La depression postnatale. Sortir du silence"
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Entretiens avec une sage-femme, avant et après la naissance

 

A propos de l’unité de guidance infantile
L’unité de guidance infantile est une structure ambulatoire dont la mission touche le dépistage, l’évaluation et le traitement :

• Des pathologies psychiques du jeune enfant
• Des troubles du développement psychologique et langagier
• Des difficultés relationnelles et sociales
• Des difficultés concernant le lien parent-enfant
• Des difficultés liées à la parentalité.

L’unité accueille principalement les enfants d’âge préscolaire (0 à 5 ans) et les (futurs) parents. Plus d’ informations